L’agriculture est-elle l’activité humaine la plus dévastatrice ?

publié par
Adrien Burdy
le
Tuesday
30
January
2024

Les scientifiques estiment aujourd’hui que le système agro-alimentaire mondial (de la production de fertilisant à la consommation des aliments) émet 30% des émissions de gaz à effet de serre (GES) [1,2]. Il contribue donc grandement au réchauffement climatique. Qu’en est-il de l’impact de l’agriculture sur l’affectation des sols ? Sur la biodiversité ? Sur les autres frontières planétaires ?

L’agriculture est pratiquée depuis 8000 av. J-C et on imagine mal la substituer à des pratiques de chasseurs-cueilleurs pour toute l’humanité. Il est donc essentiel de mieux comprendre les impacts de l’agriculture pour faire évoluer les modèles actuels vers d’autres modèles, plus respectueux des frontières planétaires. Mais est-ce seulement possible ? Cet article résume les connaissances scientifiques actuelles sur la responsabilité de l’agriculture dans le dépassement de chaque frontière planétaire. Les scénarios pour faire évoluer l’agriculture et leurs effets présumés sur les écosystèmes terrestres feront l’objet d’un second article.

L’agriculture actuelle contribue grandement au dépassement des frontières planétaires

Les travaux du Stockholm Resilience Centre et de nombreux scientifiques ont établi le concept des frontières planétaires (souvent appelées limites planétaires) à partir de neuf processus qui garantissent des conditions favorables à la vie humaine sur notre planète Terre [3,4,5]. Aujourd’hui, 6 de ces 9 frontières sont considérées comme franchies.

On parle beaucoup dans les médias et le débat public du réchauffement climatique qui fait partie des frontières franchies. Les autres frontières planétaires sont en revanche trop peu abordées alors qu’il est nécessaire d’intégrer une vision plus systémique dans les débats et les réflexions.

Et justement, cette vision systémique montre que l’agriculture est l’un des secteurs les plus responsables du dépassement des frontières planétaires. Voici une synthèse de l’impact de l’agriculture sur chaque frontière :

L’agriculture, contributrice majeure du dépassement des frontières planétaires

💧 Cycles de l’eau douce

Les cycles de l’eau douce sont définis en tant que frontières planétaires comme deux cycles : le cycle de l’eau verte et le cycle de l’eau bleue.

  • L’eau verte, mesurée par l’humidité des sols en zone racinaire, est nécessaire aux écosystèmes terrestres.
  • L’eau bleue, eau des rivières et des nappes phréatiques, est vitale à l’intégrité des écosystèmes aquatiques. Ces deux frontières sont franchies [5]

A l’échelle mondiale, 20% des terres agricoles sont irriguées et produisent 40% de notre nourriture (dépendance à l’eau bleue) alors que le reste de l’agriculture est alimenté uniquement par les eaux pluviales (eau verte) [6]. L’agriculture dépend donc des deux cycles de l’eau douce pour assurer la production alimentaire. Elle est responsable de 90% de la consommation d’eau douce et la consommation pourrait s’intensifier de 12% pour l’eau verte et 70% pour l’eau bleue d’ici-bas la fin du siècle [7]. 41% de cette consommation d’eau douce relève de la production de nourriture pour l’élevage [8]

En France, la consommation d’eau pour ce secteur représente 58% du total devant l’eau potable (26 %), le refroidissement des centrales électriques (12 %), et les usages industriels (5 %). [9]

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les perturbations des cycles de l’eau douce souffrent de grandes disparités selon les endroits du globe (cf. figure ci-dessus). Ainsi, considérer la frontière à l’échelle terrestre peut invisibiliser des impacts et des tensions beaucoup plus grandes sur la ressource en eau dans certaines régions. Les cycles de l’eau verte et de l’eau bleue sont une frontière planétaire considérée comme franchie et l’agriculture est de loin le premier secteur d’activité humaine responsable.

🌱 Cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore

Les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore sont cruciaux pour la production agricole car ces deux éléments sont indispensables au développement des plantes, donc des cultures. Les systèmes agricoles dominants font une utilisation intensive et croissante des engrais de synthèses azotés et phosphatés pour augmenter la production.[10] Les risques liés à cette utilisation intensive des engrais de synthèses est qu’environ la moitié des engrais finit dans l’environnement à travers le lessivage, l’érosion des sols et la volatilisation sous forme gazeuse, causant ainsi l’eutrophisation des milieux aquatiques et la création de protoxyde d’azote (N2O), un des principaux gaz à effet de serre. [11]

L’agriculture représente 86% des rejets d’azote liés à l’activité humaine [12] tandis que 96% du phosphore miné est utilisé pour la production de fertilisants agricoles. [13] L’agriculture est ainsi presque l’unique responsable de perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore.

🌳 Usage des sols

La surface mondiale de forêt est l’indicateur utilisé pour évaluer le processus de changement d’affectation des sols. Dans l’article “Agriculture production as a major driver of the Earth system exceeding planetary boundaries”, il est estimé que le secteur agricole contribue au dépassement de la frontière changement d’affection des sols à hauteur d’environ 80% en se basant sur *des données de la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations).* Or l’agriculture serait responsable de 88,1% de la déforestation d’après un récent rapport de la FAO pour la COP26 :

Causes globales de la déforestation 2000-2018, Global Forest Resources Assessment [14]

Une autre étude estime que la part de l’élevage bovin dans la déforestation serait de 41% à elle seule, et que le soja et l’huile de palme totaliseraient 18% de la déforestation [15]. Bien que non pris en compte dans cette frontière, la santé et la fertilité des sols est endommagée par des pratiques intensives. Cela représente un risque significatif pour la sécurité alimentaire mondiale quand on sait que 98,8% des calories que nous ingérons proviennent des sols. [16]

🐞 Intégrité de la biosphère

L’intégrité de la biosphère est une des frontières les plus difficiles à quantifier. Si les indicateurs permettent aujourd’hui d’approximer l’ampleur des dégâts des activités humaines sur la biodiversité, nos interactions avec la biosphère sont si complexes que l’on ne peut pas déterminer précisément la part de l’agriculture dans la perte de biodiversité fonctionnelle et génétique. En l’absence d’informations plus précises, l’étude de Campbell et al. propose d’attribuer à l’agriculture une contribution égale à celle de l’affectation des sols car la transformation d’espaces dits “naturels” en terres cultivées ou artificialisées affecte indéniablement l’intégrité de la biosphère, soit une contribution d’environ 80% [11]. En reprenant ce raisonnement avec les données plus récentes de la FAO, on peut estimer que l’agriculture contribue à 90% de la détérioration de l’intégrité de la biosphère.

De plus, les pratiques agricoles actuelles nuisent également à la biodiversité des espèces de mammifères domestiquées : plus de 9% avaient disparu en 2016 et au moins 15% sont menacées d’extinction [17]. Une étude récente a également montré que l’intensification de l’agriculture, mesurée via la quantité de fertilisants agricoles et de pesticides appliqués aux champs, a un impact désastreux sur les populations d’oiseaux à l’échelle européenne (plus important encore que le changement climatique, l’urbanisation ou le changement de la surface forestière). [18, 19]

🏜️ Changement climatique

Le système de production agro-alimentaire est également un secteur qui contribue au changement climatique. Voici les contributions aux émissions mondiales pour chacun des principaux GES :

  • Dioxyde de carbone (CO2) : 21% provient du secteur agro-alimentaire [20]
  • Méthane (CH4) : l’agriculture est le secteur le plus émetteur de méthane (40%) devant les énergies fossiles (35%) dont l’exploitation génère des fuites de méthane et les déchets (20%).  Les 40% d’émissions dont l’agriculture est responsable se divise en deux postes : 32% dues à fermentation entérique et 8% aux rizières. [20] Si l’on parle de l’ensemble de l’agro-alimentaire, la part des émissions s’élève à 53% [21]
  • Protoxyde d’azote (N2O) : le protoxyde d’azote émis par les activités humaines provient à 52% de l’agriculture. [22]

Les scientifiques estiment aujourd’hui la part du système agro-alimentaire à 30% des émissions de GES mondiales [1,2,20]. Le graphique suivant montre que dans la production alimentaire, les aliments d’origine animale sont responsables de plus de la moitié des émissions

En France, la participation du secteur agricole au changement climatique est légèrement inférieure d’après CITEPA : 18% des émissions de GES en 2023 (dont 68 % des émissions nationales de méthane et 80 % des émissions nationales de protoxyde d’azote). [23,24]

Avec plus de 170 MteqCO2 , l’agriculture et l’alimentation - de la parcelle au traitement des déchets alimentaires - sont responsables de 36 % [des émissions de GES en France], plus que les secteurs des transports ou du bâtiment.

En prenant en compte tout le système agro-alimentaire français, la contribution du secteur s’élèverait à 36% d’après le rapport Afterres 2050 [25]

🌊 Acidification des océans

L’acidification des océans est une frontière pour le moment non franchie mais la pression exercée par l’activité humaine sur les écosystèmes continue d’affecter l’acidification des océans. La principale cause de cette acidification est l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère. Ainsi, comme suggéré dans les travaux de Campbell et d’autres chercheurs, on peut estimer la contribution de l’agriculture à 20% de l’acidification des océans, soit la proportion des émissions de CO2 provenant du secteur. [11,20]

☁️ Charge atmosphérique en aérosols

La charge atmosphérique en aérosols joue un rôle important dans la formation des nuages. Bien qu’ayant un effet global refroidissant sur le climat, les aérosols représentent un danger majeur pour la santé humaine [26, 27]. Ils sont nombreux et il est difficile de calculer la charge atmosphérique en aérosol à l’échelle globale, encore plus de tirer des conclusions sur la contribution du secteur agricole. Campbell et al. [11] attribue 14% de la charge à l’agriculture à partir des émissions de particules fines, qui sont des aérosols (3% issus de la culture sur brûlis et 11% issus de la production et de l’utilisation de fertilisants). En se basant sur une autre étude scientifique sur la pollution de l’air [28], ils en déduisent que la contribution de l’agriculture à la charge atmosphérique en aérosol serait responsable d’un demi-million de morts prématurés par an dans le monde. Une étude plus récente montre que 10 à 90% de la pollution de l’air vient de nos systèmes alimentaires. En 2018, 87% de l’ammoniac et jusqu’à 35% des particules fines en provenaient, causant 22% de la mortalité due à une mauvaise qualité de l’air.[29]

En revanche, on connaît plus précisément la contribution de l’agriculture aux émissions nationales de plusieurs aérosols : 94 à 97% des émissions d’ammoniac, 23% des oxydes nitriques, 18 à 20% des émissions de particules fines (PM10) et 6 à 10% des émissions de particules fines (PM2,5) [23,25,30]. Ainsi, la contribution totale de l’agriculture aux émissions de particules en suspension en France était de 53% en 2021 (particules fines et carbone suie).

Il semble évident que l’agriculture est l’un des secteurs les plus contributeurs en aérosols. [23]

🌌 Appauvrissement de l’ozone stratosphérique

Depuis la ratification du protocole de Montréal en 1987, l’appauvrissement de la couche d’ozone a été stoppé et les émissions de substances agissant sur l’ozone sont toujours à la baisse.

Dans son rapport de 2022, l’UNEP écrit cependant que la présence de protoxyde d’azote dans l’atmosphère, qui est une substance qui appauvrit la couche d’ozone, augmente au-delà des prévisions. Bien que cela représente des émissions encore près de cinq fois inférieur au pic d’émissions les émissions de CFC de 1987, le risque est grandissant. Puisqu’elle est responsable de 78% des émissions de protoxyde d’azote (cf. Changement climatique), on ne peut pas négliger la contribution de l’agriculture dans l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique. [31]

☢️ Nouvelles entités

En ce qui concerne le rejet de nouvelles entités chimiques dans l’environnement, l’agriculture n’est pas épargnée. Les nouvelles entités désignent des entités introduites par l’homme dans l’environnement tels que les substances chimiques synthétiques, les organismes génétiquement modifiés (OGM), les matières radioactives ou encore les perturbateurs endocriniens. Plusieurs de ces entités sont produites et utilisées dans le système agro-alimentaire.

  • La chaîne alimentaire est considérée comme la première voie d’exposition aux perturbateurs endocriniens, notamment à travers l’usage de pesticides dans les cultures ou de substances pharmaceutiques pour nourrir les animaux l’élevage [32]
  • Aujourd’hui, 10% des terres arables sont des cultures d’OGMs dont 94% des cultures de soja et 92% des cultures de maïs. [33] L’impact des OGMs sur la santé humaine et la biodiversité reste trop peu étudié et est soumis à de fortes controverses

Plus globalement, cette frontière fait l’objet de trop peu d’études scientifiques pour le moment pour se risquer à une quelconque quantification de la part de l’agriculture dans les risques engendrés par le rejet de nouvelles entités dans l’environnement. La frontière est néanmoins estimée franchie à l’échelle globale car de très nombreuses entités sont largement utilisées sans certitudes d’être sans risques (principe de précaution). A ce titre, on peut raisonnablement estimer qu’elle est également franchie dans le cadre de l’agriculture.

Conclusion

L’agriculture est la plus grande contributrice au dépassement de quatre frontières planétaires : les cycles de l’eau douce, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, l’usage des sols et l’intégrité de la biosphère. Elle a également un impact non négligeable sur les autres processus qui maintiennent notre planète Terre habitable.

Ces impacts négatifs sont catastrophiques et représentent un risque écologique réel pour la viabilité des sociétés humaines dans les décennies à venir. Il n’en reste pas moins que nous dépendons de la production agricole pour vivre. Et si l’agriculture dépasse à elle seule plusieurs frontières planétaires, c’est pour tenter de nourrir une population croissante de déjà plus de 8 milliards d’humains. Or la question n’est plus “comment nourrir le monde ?”. Nous produisons aujourd’hui suffisamment de nourriture pour nourrir l’humanité et gaspillons même 30% de notre production alimentaire [34, 35]. Il nous faut répondre à la question suivante : “comment nourrir le monde autrement pour garantir l’habitabilité de la planète Terre aux générations présentes et futures ?“

Un prochain article traitera des solutions envisagées et des scénarios de transition pour faire évoluer les pratiques et l’économie agricole et analysera leurs effets sur les frontières planétaires.

Sources

  1. Tubiello et al. 2022 https://doi.org/10.5194/essd-14-811-2022
  2. IPCC chapter 5, https://www.ipcc.ch/srccl/chapter/chapter-5/executive-summary/
  3. Rockström et al. 2009 http://www.ecologyandsociety.org/vol14/iss2/art32/
  4. Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet. https://doi.org/10.1126/science.1259855
  5. Earth beyond six of nine planetary boundaries, Richardson et al. 2023, https://doi.org/10.1126/sciadv.adh2458
  6. Water in Agriculture, The world bank https://www.worldbank.org/en/topic/water-in-agricultur
  7. Huang et al. 2019 http://dx.doi.org/10.1016/j.jhydrol.2019.04.046
  8. Heinke et al. 2020 (https://doi.org/10.1029/2019WR026995)
  9. L'eau en France : ressource et utilisation – Synthèse des connaissances en 2023 https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/leau-en-france-ressource-et-utilisation-synthese-des-connaissances-en-2023
  10. Fertilisants, Our world in data https://ourworldindata.org/fertilizers
  11. Campbell et al. 2017 https://doi.org/10.5751/ES-09595-220408
  12. Gruber and Galloway, 2008, https://doi.org/10.1038/nature06592
  13. Carpenter and Bennett, 2011 https://dx.doi.org/10.1088/1748-9326/6/1/014009
  14. Global Forest Resources Assessment 2020, FAO https://www.fao.org/3/cb7449en/cb7449en.pdf
  15. Quels sont les causes de déforestation, Our world in data https://ourworldindata.org/what-are-drivers-deforestation
  16. Kopittke et al. 2021 https://doi.org/10.1016/j.envint.2020.106245
  17. Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques - résumé à l’intention des décideurs, IPBES https://doi.org/10.5281/zenodo.5906976
  18. L’intensification de l’agriculture est à l’origine de la disparition des oiseaux en Europe https://www.cnrs.fr/fr/presse/lintensification-de-lagriculture-est-lorigine-de-la-disparition-des-oiseaux-en-europe
  19. Rigal et al. 2023, https://doi.org/10.1073/pnas.2216573120
  20. The share of agri-food systems in total greenhouse gas emissions, FAO (https://www.fao.org/3/cb7514en/cb7514en.pdf)
  21. Global methane assessment : benefits and costs mitigating methane emissions, UNEP meth https://www.unep.org/resources/report/global-methane-assessment-benefits-and-costs-mitigating-methane-emissions
  22. Global Nitrous Oxide Budget https://www.globalcarbonproject.org/nitrousoxidebudget/index.htm
  23. CITEPA https://www.citepa.org/fr/2023-co2e/
  24. Les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-et-l-empreinte-carbone-ressources/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-de-l-agriculture
  25. Afterres 2050 https://afterres2050.solagro.org/
  26. Harm to human health from air pollution in Europe: burden of disease 2023, EEA https://www.eea.europa.eu/publications/harm-to-human-health-from-air-pollution/harm-to-human-health-from
  27. Pollution de l’air, Our world in data https://ourworldindata.org/air-pollution
  28. Lelieveld et al. 2015 https://doi.org/10.1038/nature15371
  29. Crippa et al. 2022 https://doi.org/10.1038/s43016-022-00615-7
  30. Bessagnet et al. 2016 https://www.lmd.polytechnique.fr/~menut/pp/2016-PolAtm_Bessagnet_agri.pdf
  31. Scientific Assessment of Ozone Depletion 2022 https://ozone.unep.org/system/files/documents/Scientific-Assessment-of-Ozone-Depletion-2022.pdf
  32. Stiefel et al. 2023 https://doi.org/10.1016/j.nfs.2023.03.004
  33. Jorgensen et al. 2022 https://doi.org/10.1016/j.oneear.2022.09.011
  34. gaspi https://www.fao.org/news/story/fr/item/1441730/icode/
  35. Pertes et gaspillages de nourriture dans un contexte de systèmes alimentaires durables https://www.fao.org/3/i3901f/i3901f.pdf