Existe-t-il une agriculture qui respecte les frontières planétaires ?

publié par
Adrien Burdy
le
Monday
19
February
2024

L’agriculture est la plus grande contributrice au dépassement de quatre frontières planétaires : les cycles de l’eau douce, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, l’usage des sols et l’intégrité de la biosphère. Elle a également un impact non négligeable sur les autres processus qui maintiennent notre planète Terre habitable.

Le système agricole actuel n’est donc pas pérenne. En continuant ainsi, on ne pourra pas respecter l’accord de Paris et les conditions d’habitabilité de notre planète seront soumises à de forts risques.

Mais existe-t-il une agriculture qui respecte les frontières planétaires ? Peut-elle nourrir la  population croissante de déjà plus de 8 milliards d’humains ?

Simulation d’un “demi-tour” technologique et culturel vers une production alimentaire grandissante à l’intérieur de quatre frontières planétaires, Gerten et al. 2020

Gerten et al. estiment que pour respecter strictement quatre des frontières planétaires aujourd’hui dépassées sans toucher à nos régimes ni aux modes de culture, il faudrait réduire notre production alimentaire considérablement de telle sorte qu’on ne pourrait nourrir que 3,4 milliards de personnes. [1] Néanmoins, en activant divers leviers d’actions pour changer nos systèmes agro-alimentaires, on pourrait nourrir jusqu’à 10 milliards d’humains tout en restant en zone sûre (l’étude se limite aux critères calorique et protéique et n’évalue pas l’impact positif que pourrait avoir la généralisation des protéines alternatives). Ainsi, la question démographique, souvent utilisée pour justifier l’inaction, n’est pas un obstacle insurmontable et la solution pour respecter les frontières planétaires se trouve selon nous ailleurs.

Il existe 3 principaux leviers d’actions : agir sur la demande en adaptant nos régimes alimentaires, agir sur l’offre c’est-à-dire sur la manière de produire notre alimentation et enfin réduire les pertes et le gaspillage qui s’élèvent à 30% de la production mondiale.

Explorons les solutions pour chaque levier d’action.

Faire évoluer la demande en changeant nos régimes alimentaires

Faire évoluer la demande pour diminuer les impacts environnementaux du système agro-alimentaire revient à changer notre alimentation. Et de fait, la consommation de produits d’origine animale contribue majoritairement à notre perturbation des processus que sont les frontières planétaires.

Les régimes alimentaires végétariens et végans font l’objet d’une attention croissante dans la société et plusieurs études évaluent les bienfaits d’un changement de régime alimentaire généralisé à l’échelle mondiale, à la fois sur les frontières planétaires mais également sur la santé.

Poore et Nemececk (2018) affirment que la surface agricole pourrait être réduite de 76% par rapport à 2010 si l’on adoptait un régime 100% végan. [2]

En ce qui concerne les émissions de GES, ils prévoient des réductions de 36 ou 49% en cas de réductions respectives de 50% ou 100% des produits animaux dans notre alimentation.

Impact des alternatives végétales à la viande et au lait sur les frontières planétaires

Un autre article de Kozicka et al. parue en 2023 étudie les conséquences du remplacement de produits animaux par des alternatives végétales sur plusieurs frontières planétaires (figure ci-dessus). [3] Elle confirme les bénéfices très important sur le changement climatique. Pour les autres frontières étudiées, les gains sont significatifs mais insuffisants pour résoudre par cette mesure seule les tensions sur ces processus.

On retrouve ces tendances globales dans une troisième étude de Willet et al. [4]

Il est intéressant de regarder plus en détails les potentielles solutions pour certaines frontières

💧 Cycles de l’eau douce

Une étude montre que, chaque année, 42 % de toute l'eau nécessaire pour l’agriculture est utilisée pour produire les aliments consommés par le secteur de l'élevage. Seule 6 % de la consommation d’eau douce de l’élevage est de l’eau bleue, le secteur est donc principalement dépendant de l'eau verte. L’étude en question fait également remarquer qu’environ la moitié de l'eau verte consommée provient des pâturages, dont un tiers sont situés sur des terres marginales qui ne pourraient pas devenir des terres cultivées. [5]

Ainsi, l’élevage consomme une grande partie de l’eau utilisée en agriculture mais les gains espérés en réduisant la part de l’élevage dans notre alimentation sont limités concernant l’eau bleue. D’après Poore et Nemececk, adopter un régime sans produit animaux permettrait néanmoins de diviser par deux l’eutrophisation et de réduire les prélèvements d’eau douce d’environ 20%. [2]

Une autre étude confirme que l’on pourrait consommer 21% d’eau verte en moins en remplaçant 90% de notre consommation de produits animaux par des alternatives végétales. [3]

Les scénarios de Willet et al. projettent en revanche une augmentation de 1 à 9%  de la consommation d’eau liée à une plus faible consommation de produits animaux. Selon eux, les réductions seraient contrebalancées par une plus grande consommation de noix et de légumes qui sont des cultures gourmandes en eau. Il faut donc noter que dans des scénarios qui garantissent un régime équilibré pour toute l’humanité (et non pas seulement protéinés et/ou calorifiques), on pourrait voir la consommation d’eau augmenter pour compenser les régimes contemporains déséquilibrés.

🌱 Cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore

Dès 2011, Elser and Bennett établissaient que produire l’alimentation d’un régime végétarien nécessite 1kg/an de phosphore en moins que celle d’un régime carné. [6] D’après une étude plus récente, 83% des apports en azote et en phosphore en agriculture sont utilisés pour la production de nourriture d’origine animale. La substitution de 50% de notre consommation de produits animaux permettrait de réduire de 19% les besoins en phosphore produit, de 34% les pertes d’azote et de 26% l’azote fixé nécessaire à la production alimentaire [7].

Willet et al. et Kozicka et al. sont moins optimistes, considérant que l’adoption d’un régime moins carné permettrait de réduire de 7% les besoins d’azote et 13% ceux de phosphore (Willet et al., régime 100% végan) ou de faire baisser de 19% l’utilisation d’intrants azotés (Kozicka et al, régime végan à 90%).

🌳 Usage des sols

En ce qui concerne l’usage des sols, l’élevage occupe 77% de la surface agricole mondiale.

Substituer 50% des produits animaux consommés permettrait de réduire la surface nécessaire de 42% [ocnjin2018]. Selon Poore et Nemececk, passer de notre alimentation actuelle à une alimentation végan réduirait les besoins en surface de 3 milliards d’hectares (-76%), dont 19% de terres arables en moins. Selon Willet et al. en revanche, un changement de régime alimentaire permettrait jusqu’à 2% de réduction seulement. Cette différence s’explique une nouvelle fois par les hypothèses prises dans l’étude qui suppose l’adoption d’un régime sain pour la population mondiale :

“La raison pour laquelle on n’observe pas de grandes réductions grâce au seul changement de régime alimentaire est que la réduction des surfaces cultivées dans les pays avec une haute proportion d’alimentation d’origine animale est compensée par l’augmentation de la surface cultivée dans les pays avec un régime actuel de mauvaise qualité très riche en céréales. Une fois encore, la réduction de la surface cultivée destinée à la nourriture d’élevage est compensée en grande partie par l’augmentation des cultures de légumes et de noix dont les rendements sont plus faibles” (traduction de Willet et al.)

🏜️ Changement climatique

C’est sur cette frontière qu’un changement d’alimentation serait le plus efficace. En effet, les ruminants émettent de grandes quantités de méthane et les produits animaux sont responsables de 60% de l’empreinte carbone de l’alimentation d’un français (et environ autant à l’échelle mondiale). [8] [9]

L’adoption de régimes avec une part nulle ou faible de produits animaux d’ici 2050 permettrait des réductions de 49 à 80% d’émissions par rapport à 2010 ou 2020 selon les études citées précédemment.

☁️ Charge atmosphérique en aérosols

Impacts globaux sur la qualité de l’air d’un changement de régime alimentaire

Un article très récent de Springmann et al. suggère qu’une évolution de l’alimentation vers des régimes moins carnés pourrait également être positif sur notre santé en réduisant la pollution de l’air par les aérosols. [10] On constate en effet sur les graphiques ci-dessus que les particules fines (qui sont des aérosols) sont moins concentrées dans l’air dans cas d’un scénario de changement de régime d’ici 2030, ce qui limite la charge atmosphérique en aérosols. Les régimes moins carnés (flexitarien, végétarien et végan) permettraient en effet de réduire de 44 à 86% les émissions d’ammoniac et de 3 à 7% l’exposition moyenne globale aux particules fines PM2.5. L’ammoniac (ammonia) est également un polluant atmosphérique dangereux qui pourrait être fortement réduit avec un changement de régime alimentaire dans nos sociétés.

Une évolution de la demande avec les biocarburants

Nous avons jusqu’ici étudié la demande sous l’angle du régime alimentaire mais les systèmes agricoles fournissent également des matériaux (coton ou bois par exemple). La hausse de la demande en biocarburants pour la décarbonation des transports est aussi une tendance à prendre en compte pour conserver un système agricole dans une zone sûre du point de vue des frontières planétaires. Ainsi, face à la difficulté de réduire les pressions sur les frontières planétaires tout en nourrissant de manière saine et juste l’entièreté de la population mondiale, Conjin et al. appelle à la prudence quand au développement des biocarburants :

“Toute demande additionnelle de biomasse autre que pour la production de nourriture, comme les bioénergies, ajoute une pression supplémentaire et la hausse de leurs usages devrait être étudiées avec attention” traduit de Conjin et al. 2018 [7]

Willet et al. mentionnent également les risques pour l’usage des sols et la sécurité alimentaire d’un développement des bioénergies avec captage et stockage de dioxyde de carbone (BECCS). Le GIEC les mentionne également comme une solution à condition qu’elle soit utilisée dans des proportions réduites afin ne va pas avoir d’effets indésirables. [11]

De manière plus concrète, on peut faire quelques calculs pour comparer l’efficacité des biocarburants et leur demande en surface par rapport à d’autres sources d’énergies renouvelables.

En prenant le rapport commandité par la commission européenne (2015), on voit des rendements énergétiques pour produire les biodiesels de 17 à 90 GJ/ha/an en fonction des cultures utilisées (le myscanthus étant la plantation la plus efficace énergétiquement). On obtiendrait donc 5 à 25 MWh par hectare et par an. [12]

Pour de l’agrivoltaïsme, une autre étude de la commission européenne prévoit des capacités de 0,2 à 0,9 MW/ha. Avec le facteur de charge français (~15%), on pourrait produire 260 à 1 200 MWh/ha/an soit 10 à 50 fois plus d’énergie que des biocarburants sur la même surface.

Comme un moteur électrique à un rendement 3 fois supérieur à celui d’un moteur thermique, il faut entre 30 et 150 fois plus de surface en biocarburant qu’en centrale solaire pour faire avancer un véhicule. En suivant les recommandations de Conjin et al. 2018, il apparaît que les usages actuels du pétrole (en premier lieu la mobilité et le chauffage) doivent être électrifiés et non substitués par des biocarburants dès que cela est possible. Les bioénergies sont donc a réserver dans les cas où l’électrification n’est pas possible comme dans l’aviation ou les porte-containers.

On peut rajouter que les centrales solaires ont quant à elles un bien meilleur rendement à l’hectare mais ne permettent pas de cultiver le sol contrairement à l’agrivoltaïsme (une partie des toitures peut en revanche être couverte par des panneaux photovoltaïques permettant également une double fonction).

Ces calculs sont assez simplistes et doivent être pris avec précautions (on ne prend pas en compte l’EROI c’est à dire l’énergie dépensée pour produire cette énergie par exemple).

Ce sont néanmoins des ordres de grandeurs qui montrent le faible rendement à l’hectare des biocarburants par rapport à l’agrivoltaïsme et qui soulignent les risques importants pour les frontières planétaires dans le modèle actuel, déjà en tension.

L’étude de Adeh et al. renforce cette opinion en montrant que l’agrivoltaïsme semble être une solution plus soutenable du point de vue de l’usage des sols puisque “la demande globale en énergie pourrait être pourvue par une production solaire si moins de 1% de la surface cultivée était convertie à l’agrivoltaïsme” [13]

Avant de mettre en concurrence terre agricole et énergie, il existe de nombreuses surfaces artificialisées (toitures, parking, …) qui peuvent être utilisées pour produire de l’énergie à l’aide de panneaux photovoltaïque.

Ainsi, comme on vient de le voir, modifier la demande de production agricole revient principalement à végétaliser l’alimentation et c’est efficace ! Il faut néanmoins combiner ces actions avec d’autres leviers et veiller à ce que la demande en biocarburants n’annule pas les effets positifs d’une végétalisation de l’alimentation.

Perspectives d’améliorations des méthodes de production

Un autre levier d’action fondamental pour réduire les pressions du système agro-alimentaire sur les processus terrestres est celui de la production. Changer nos méthodes et améliorer le système de production alimentaire existant grâce à des innovations techniques semble être une nécessité pour diminuer suffisamment les risques encourus par le dépassement des frontières planétaires.

Scénarios étudiés dans Willet et al. 2019

L’étude Our Food in the Antropocene de Willet et al. 2019 mesure également les effets de solutions de gestion ou d’innovation technologique sur les frontières planétaires à travers deux scénarios d’amélioration des pratiques de production avec un niveau d’ambition standard (Prod) et un niveau d’ambition élevé (Prod+). Le graph/tableau ci dessous résume les résultats de l’étude :

Ces améliorations sont significatives, notamment pour inverser la tendance actuelle dont les projections signifieraient des risques majeurs pour l’ensemble des frontières planétaires. D’autres études permettent de compléter ces résultats pour certaines frontières planétaires :

🌱 Cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore

Willet et al. estiment que l’application plus efficiente et plus optimisée des fertilisants, en incluant un rééquilibrage entre les régions de surutilisation et celles de sous-utilisation, pourrait permettre de réduire d’environ 26% les besoins en azote et d’environ 48% les besoins en phosphore. L’étude de Conjin et al. estime quand à elle que des mesures permettraient de réduire les pertes de phosphore à l’usage de 19% mais qu’en parallèle des mesures pour augmenter les rendements provoqueraient une hausse de l’utilisation d’engrais phosphatés de 29%.

🌳 Usage des sols

En écho à l’effet d’une transition alimentaire pour limiter l’usage des sols, Willet et al. suggère une redirection des investissements pour une amélioration des rendements d’aliments présents dans des régimes plus sains (notamment les légumes et les noix) plutôt que dans les espèces les plus cultivées actuellement. Si les rendements atteignables dans les scénarios de développement technologiques sont atteints à 75%, aucune expansion des terres cultivées ne serait nécessaire.

Conjin et al. projettent quant à eux une baisse de 34% de la surface agricole requise grâce à une hausse des rendements de 50% et et une baisse de 23% grâce à une amélioration de la conversion de nourriture d’élevage pour les produits animaux.

🏜️ Changement climatique

Parmi les solutions d’ordre technologique ou de gestion pour améliorer la production, les principales qui concernent le changement climatique sont une meilleure irrigation, plantation et fertilisation pour réduire les émissions de méthane et de protoxyde d’azote notamment des rizières, une meilleure gestion du fumier, une meilleure conversion de la nourriture d’élevage et l’utilisation d’additifs alimentaires pour réduire la fermentation entérique des animaux d’élevage.

Selon Conjin et al., réduire de moitié la volatilisation d’ammoniac et l’amélioration des rendements aurait des effets minimes sur le forçage radiatif du système agro-alimentaire. Une amélioration de la conversion de la nourriture d’élevage pour les produits animaux pourrait permettre une réduction plus significative de l’ordre de 11%.

Réduire les pertes et le gaspillage

La réduction des déchets dans la chaîne de production alimentaire à hauteur de 50% est un des objectifs développements durable de l’ONU (SDGs). Ainsi, les scénarios prospectifs font souvent l’hypothèse de l’atteinte de cet objectif à l’horizon 2050.

L’article scientifique de Willet et al. citée précédemment montre des réductions significatives grâce à la division par deux des déchets sur toute la chaîne alimentaire

L’étude de Conjin estiment que la division par deux du gaspillage alimentaire permettrait de réduire d’un peu plus de 10% la contribution de l’agriculture au forçage radiatif, à l’usage des sols et à l’usage de l’azote et du phosphore par rapport à une scénario business as usual en 2050.

🌱 Cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore

Il serait également possible de réduire jusqu’à 65% le phosphore nécessaire si l’on exploite mieux les déchets biologiques humains c’est-à-dire nos excréments. [6] De manière similaire au fumier animal, ils sont une source précieuse de nutriments dont l’azote et le phosphore. Il y a aujourd’hui des limites sanitaires et culturelles pour espérer le mettre en place rapidement et à grande échelle mais c’est une solution au potentiel immense sur laquelle il faudra sûrement compter pour atteindre la zone sûre et reboucler les cycles biogéochimiques de ces deux éléments.

Quelles solutions à l’échelle de la France ?

A l’échelle française, le scénario Afterres 2050 envisage une réduction de 54% des GES anthropiques d’origine agricole (en accord avec la SNBC qui a pour objectif une réduction de 46% à l’horizon 2050). [14] Cette diminution est notamment réalisée grâce à une baisse de l’élevage et des rejets de protoxyde d’azote liés à l’usage d’engrais.

Le scénario Afterres 2050 envisage également une division par deux de l’artificialisation des terres agricoles et une augmentation de la surface forestière d’un demi-million d’hectares.

Pour ce qui est du cycle biogéochimique de l’azote, la consommation d’azote de synthèse pourrait passer de 2,3 millions de tonnes à 1 millions de tonnes en 2050 grâce, entre autres, à une meilleur fixation symbiotique. Le scénario envisage également une faible baisse des besoins primaires en azote de l’ordre de 0,2 millions de tonnes.

Le scénario Afterres 2050 prend en compte plusieurs hypothèses pour préserver l’intégrité de la biosphère : réduction de l’usage des pesticides et des engrais azotés, arrêt du drainage des zones humides et baisse de l’irrigation durant les périodes où le niveau des cours d’eaux est le plus bas.

Juger le scénario Afterres au regard des frontières planétaires est fait ici à titre indicatif et pédagogique. Les frontières planétaires sont évaluées à l’échelle globale et non pas nationale. Le scénario Afterres n’a pas directement pour objectif direct de respecter les frontières planétaires.

Agir sur tous les leviers pour être à la hauteur

Alors que l’agriculture contribue aujourd’hui majoritairement au dépassement de plusieurs frontières planétaires, les solutions sont multiples pour changer de modèle et retrouver une zone sûre pour l’humanité vis-à-vis de ces frontières. Il semble tout à fait possible de nourrir la population mondiale en 2050 mieux qu’on ne le fait aujourd’hui tout en respectant les frontières planétaires malgré la croissance démographique. Et pour cause, on gaspille aujourd’hui 30% de la nourriture produite ce qui fait de la lutte contre le gaspillage un levier d’action accessible et aux effets significatifs.

Néanmoins, pour réduire les risques pour l’humanité, il faut aller beaucoup plus loin et activer tous les leviers d’actions. Le baisse de la demande en produits fortement émetteurs grâce à des régimes alimentaires plus végétalisés permettrait au système agro-alimentaire de réduire efficacement ses émissions de GES et améliore également de manière moindre mais significative la situation des cycles de l’eau douce, de l’azote et du phosphore ainsi que de l’usage des sols. Nous n’avons pas abordé ici la frontière planétaire de la biodiversité (intégrité de la biosphère) car il est difficile d’estimer les impacts des solutions sur cette frontière. Elle est néanmoins beaucoup liés à la déforestation donc à l’usage des sols.

Il est plus difficile de réduire les surfaces agricoles et la consommation d’eau douce de l’agriculture. Il existe également des incertitudes sur notre capacité à reboucler les cycles de l’azote et du phosphore. Il faut donc activer les différents leviers d’actions existants car l’agriculture est le premier secteur contributeur de la perturbation de ces processus terrestres. Les frontières planétaires n’étant pas des limites figées ni des points de bascules, tout effort mené pour réduire les risques encourus sera bénéfique même si il est en lui même insuffisant pour ramener la frontière en zone considérée comme sûre.

Plus globalement, ces leviers d’actions donnent des indications pour prendre des mesures à l’échelle individuelle et collective, en alliant efficacité technologique et sobriété, pour nourrir le monde de manière plus saine et plus juste.

Sources

  1. Gerten et al. 2020 https://doi.org/10.1038/s41893-019-0465-1
  2. Poore et Nemececk 2018 https://doi.org/10.1126/science.aaq0216
  3. Kozicka et al. 2023 https://doi.org/10.1038/s44222-023-00125-6
  4. Willet et al., 2019 (https://openaccess.city.ac.uk/id/eprint/21633/8/)
  5. Heinke et al. 2020 https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2019WR026995
  6. Elser and Bennett, 2011 https://doi.org/10.1038/478029a
  7. Conjin et al. 2018 http://dx.doi.org/10.1016/j.agee.2017.06.001
  8. MyCO2 présente un nouveau calcul de l’empreinte carbone personnelle https://www.carbone4.com/communique-myco2-empreinte-moyenne-evolution-methodo
  9. Xu et al. 2021 https://doi.org/10.1038/s43016-021-00358-x
  10. Springmann et al. 2023 https://www.nature.com/articles/s41467-023-41789-3#Fig1
  11. B.3 IPCC, 2019: Summary for Policymakers. In: Climate Change and Land: an IPCC special report on climate change, desertification, land degradation, sustainable land management, food security, and greenhouse gas fluxes in terrestrial ecosystems  https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/4/2022/11/SRCCL_SPM.pdf
  12. The land use change impact of biofuels consumed in the EU https://energy.ec.europa.eu/system/files/2016-03/Final%2520Report_GLOBIOM_publication_0.pdf
  13. Adeh et al. 2019 https://www.nature.com/articles/s41598-019-47803-3
  14. Afterres 2050 https://afterres2050.solagro.org/